De Meknès à Sigmaringen

06 avril 2021
Spahi Marocain : Le parcours de mon père – 1939-1945 de Dominique Delaunay – Auto Édition

En écrivant ce livre, Dominique Delaunay remplit un devoir filial. « Ce livre aurait dû être écrit par mon père » affirme-t-il dans les premières lignes de son avant propos.
Le livre est tout en retenue et en admiration pour ce père héros méconnu de la seconde guerre mondiale, qui s’est illustrée au sein du 3ème Spahi dans la reconquête des territoires occupés par l’Allemagne, du débarquement de Provence à l’Allemagne.
Rien ne prédestinait ce jeune homme de 19 ans à s’engager dès 1938 dans la cavalerie, au 6ème Dragon précisément.
Le 2 septembre 1939, alors que la guerre est déclarée, il est affecté dans les rangs du 1er groupement de reconnaissance de corps d’armée (le GCRA).
Les Allemands lancent l’offensive le 10 mai 1940 et mettent à mal la stratégie franco-britannique, ils percent le front à Sedan et atteignent la Manche dès le 20 mai enfermant une partie de l’armée française en Belgique.
Dans cette guerre de mouvement, la résistance s’organise et les unités se recomposent. 
« La campagne 1939-1940 de Bernard Delaunay s’achevait donc sur la Loire, au pont d’Ancenis. Dans la nuit du 18 au 19 juin, quelques détachements venus de Saumur et d’Angers formèrent un léger rideau défensif à Liré. »
Le Brigadier-Chef se distingue par son courage et obtient La Croix de Guerre et une citation à l’ordre de la division dont il fait partie.
Replié sur Montauban, « 126ème GRDI Pompeyré par Montauban (Tarn-et-Garonne) », il échappe « à la grand rafle de 1940 : 1 850 00 prisonniers de guerre ».
Le 7 août 1940, il est affecté « à une Divison d’Infanterie Motorisée (D.I.M) basée au camp de Sainte-Marthe, près de Marseille. Il y restera jusqu’à juin 1941. »
Ce sera ensuite la traversée de la Méditerranée sur le Djebel-Aurès, le débarquement à Oran le 21 juin et l’arrivée à Rabat le 30 du même mois, puis l’intégration au 3ème SPAHIS MAROCAINS…
La vie de garnison et les relations entre coloniaux et indigènes rythme la période qui sépare les quelques 110 000 hommes de troupe français et le début de l’opération Torch avec le débarquement américain le 8 novembre 1942, au Maroc et en Algérie.
« Pour Bernard Delaunay, affecté au 1er escadron chenillé, la perception des chars M5 se fait en Algérie à Boufarik (…) »
Dès lors, aux commandes de son « Ravageur », un char léger M5, de nouvelles aventures commencent…
« Un mois après son arrivée dans l’Oranais, le régiment va bivouaquer à Aïn-El-Arba, où l’entrainement continue. le 1er Escadron stationne près de la fameuse exploitation viticole Sénéclauze, alors que les préparatifs immédiats indiquent que le départ vers l’Italie est proche. »
La campagne d’Italie victorieuse pour les troupes alliées, avec l’épisode connu de Monte Cassino, conduit Bernard Delaunay, toujours aux commandes de son char M5, du Garigliano à Sienne, Florence, Rome puis jusqu’au Rhin et au Danube.
Le livre de Dominique Delaunay est une mine de renseignements, il a mené un travail d’historien minutieux, recoupant les éléments de l’histoire personnelle de son père, avec tout ce que l’historiographie de la seconde guerre mondiale propose. 
J’ai trouvé un intérêt personnel à ce livre aussi parce que le père de Dominique Delaunay a bivouaqué à Aïn-El-Arba, mon village de naissance, près de l’exploitation viticole Sénéclauze où travaillait mon grand oncle, et que mon oncle paternel Antoine Nunez, soldat du 1er Titailleur Algérien est mort tué le 20 janvier 1945 à l’âge de 20 ans près de Bitchwiller-Les-Thann, une bataille que l’auteur décrit avec réalisme entre les pages 198 et 213.
Au-delà de ces ressentis affectifs, c’est un livre de grande qualité qui révèle des aspects peu connus de l’histoire de la seconde guerre mondiale. Notamment l’ambiguïté des relations entre les troupes d’AFN et les alliés, le rôle des indigènes et des européens vivant dans les colonies. le rôle de Michel Jobert, né en 1921 à Meknès, ex ministre de Georges Pompidou y est par exemple détaillé, ainsi que celui d’officiers ayant refusé la défaite comme le capitaine de Galbert ou Hyacinthe de Quatrebarbes.

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