Ça brûle !

10 avril 2021
Rouge de Koz Éditions Fleuve Noir
On pourrait qualifier Rouge de polar écologique tendance collapsologie. Mais aussi plus simplement de bon polar qui se lit avec plaisir et fait la part belle à des sujets de préoccupation actuels. Réchauffement climatique, sites Seveso, incendies de forêt…
Koz nous emmène du côté des soldats du feu luttant pied à pied contre des pyromanes dont la motivation est obscure.
Le début du roman est particulièrement réussi, notamment en raison de la parfaite description des mouvements des pompiers, des termes techniques utilisées, et de la façon dont le lecteur ressent la fournaise contre laquelle se battent les hommes du SDIS13. “Le type était désolé, mais il leur expliqua que les feux ne respectaient pas vraiment les horaires de bureau. Ce faisant, l’activité des Dash 8 et des Canadairs ne cessait jamais tout à fait, surtout en cette saison.”
Cerise sur le gâteau l’action se déroule près d’Aubagne sur les pentes du Garlaban chères à Pagnol
L’indice forêt météo (IFM) est au coeur du récit. La canicule frappe la France dans sa totalité et la Cellule Nouvelles Menaces placée sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur est notamment chargée du suivie des déclenchements d’incendies. 
Autres réussite du roman, la guerre des institutions qui agit sur le récit comme de l’harissa sur un bon couscous. 
Gendarmerie, police, corps des pompiers, préfecture, associations bénévoles, sont sommées par le ministère de l’intérieur de travailler main dans la main, mais la nature humaine fait qu’entre les « locaux » et les « parisiens » le courant ne passe pas toujours et génèrent les chicailleries habituelles. Informations tronquées, initiatives individuelles et j’en passe… le déroulement de l’enquête montre également comment les responsables politiques sont mis devant le fait accompli par les responsables de l’enquête et abandonnent le sempiternel “pas de vagues” pour s’engager aux côtés de leurs subordonnés, “Confronté à l’une des décisions les plus épineuses de sa jeune carrière, le ministre de l’Intérieur accueillit l’exposé de la flic d’un grognement dubitatif, sourcils froncés. Son faciès juvénile venait de prendre dix ans en quelques secondes.”
Entre Hugo Kezer et Anne Gilardini pourtant collègues, le courant ne passe pas non plus. Leur point commun est qu’ils délaissent leur vie amoureuse pour leur « boulot » et se livrent à une concurrence féroce pour diriger la Cellule Nouvelles Menaces, parfois au détriment de l’avancement de leurs dossiers.
Heureusement, pour contrebalancer cette guerre des égos, il y a les bons copains, Franck Caillot dit le Hobbit, une sorte de geek sympathique, et Samuel Markovic le flic marseillais, bougon mais coopératif :
« Pour Samuel Markovic, alias Marko, cette journée était vraiment celle des missions poubelles. Après les obsèques à Aubagne et leur farandole de pompiers irascibles, voilà qu’on l’envoyait jouer les chauffeurs pour un cador venu de la capitale. À trente-cinq ans révolus, le flic se sentait déjà englué, à l’étroit dans son poste. Depuis l’affaire Cornil, son seul réel titre de gloire au sein de la Crim’ marseillaise, son quotidien se résumait à des filatures de dealers à la petite semaine dans les quartiers nord. Mais tenir une pancarte sur laquelle était écrit « Hugo Kezer » dans un hall d’aérogare bondé de vacanciers, ça frisait carrément la mise au placard. »
Tous les personnages contribuent à donner du sens et du corps à l’intrigue, le commandant Ludovic Rossi de la gendarmerie, les agents de l’Office National des Forêts, le préfet de police Alain Cavaillet, le patron des pompiers Fabien Mascarret, Louis Bloch, le préfet du département pour ne citer que ceux-là…
Je ne dévoilerai rien de l’intrigue, véritable course contre la montre qui tient le lecteur en haleine. 
Rouge est le deuxième tome de la série Apocalypse dont le premier tome est Noir. Il peut se lire avant sans problème.
Le récit se construit de façon progressive, pas à pas, journée après journée, il alterne les événements et les points de vue. 
Des titres annoncent la couleur et la température : .
« 12 juillet 
Marignane – Aéroport Marseille-Provence 
42 °C »

« 13 juillet 
Aubagne – Lieu du sinistre 
39 °C »

Une intrigue crédible malgré quelques invraisemblances parfois, mais ça passe, servie par une galerie de personnages conformes à l’esprit des sagas policières. Un roman cohérent, agréable à lire.

Je vais attaquer Noir dans la foulée. Merci Koz…

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