» (…) quelque chose va m’assaillir, brisant le mur invisible. »

20 septembre 2020
Nous avons tué Stella de Marlen Haushofer
La philosophie de la vie d’Anna la narratrice se résume à cette citation « Il m’est arrivé jadis de céder à la tentation et de descendre au jardin, mais je n’en ai retiré que de la déception. C’est d’ici, de la fenêtre, qu’il se trouve juste à la bonne distance. »
Marié à Richard, un avocat de renom qui procure à sa famille une aisance matérielle, mère de deux enfants, Wolfgang et Annette, elle se tient à distance de sa vie, analysant en direct son propre comportement et celui de son entourage sans jamais influencer en rien son déroulement.
Alors que la narratrice du Mur Invisible se retrouvait isolée par un phénomène extérieur indépendant de sa volonté, Anna, elle, s’isole volontairement pour fuir sa vie, se retrouvant incapable d’agir lorsque celle-ci la rattrappe et la confronte à son déni permanent.
Lorsque Louise, sa supposée amie, lui demande d’héberger sa fille Stella durant les mois de sa scolarité, Anna accepte en redoutant ce grain de sable qui va gripper les mécanismes de sa vie de façade sans pourtant oser refuser. Elle va même accélérer le processus qui va faire de Stella une victime expiatoire sacrifiée sur l’autel de sa tranquillité.
Roman court, hallucinant par la force et le désespoir qui s’en dégage. Récit froid d’une vie refusée. Récit dont on s’interroge sur ce qui peut en être à l’origine. Marlen Haushofer née en 1920 a vécu adulte durant la seconde guerre mondiale dont Anna évoque brièvement ses conséquences sur sa relation avec son fils Wolfgang. 
« Mon trop grand attachement à cet enfant vient peut-être de ce que pendant la guerre je l’ai traîné d’innombrables fois dans les caves, de nuit comme de jour, le serrant tout contre moi pour lui donner la chaleur nécessaire et ne songenant qu’à sauver ce germe de vie. (…) et dans mes rêves je continue à traîner ce petit ballot dans des caves obscures, à travers la poussière et l’odeur de brûlé des maisons incendiées qui s’effondrent. »
Wolfgang apparaît comme le seul être doué de raison dans ce jeu de rôle permanent qu’est devenu la vie d’Anna après qu’elle se soit rendu compte de la vraie nature de son mariage et de sa relation avec Richard :
« Jeune mariée je lui demandai un jour « Pourquoi m’aimes-tu ? » Sa réponse vint, rapide, assurée : « Parce que tu m’appartiens.(…) Je suis une piètre comédienne, mais il est vrai que Richard joue pour nous deux.(…) La vie avec Richard m’a corrompue et rendue irrécupérable. »
La peur d’Anna est toute dans sa crainte de voir un jour la vie submerger l’univers dans lequel elle se réfugie pour la fuir.
« Mais ce n’est pas tout, j’éprouve aussi une autre terreur, une autre épouvante, l’impression que, dans l’instant qui suit, quelque chose va m’assaillir, brisant le mur invisible. »
A lire je vous dis.

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