Les politiques s’en mêlent et, s’emmêlent…

12 décembre 2020
Adieu poulet ! de Jean Laborde
Adieu Poulet, le roman qui est devenu un film culte avec Lino Ventura et Patrick Dewaere, se situe à une période de transition de la société française, sociale, politique et économique.
La guerre n’est pas très loin, et tant dans le milieu que dans la police on trouve encore des hommes qui se sont battus côte à côte contre les nazis mais aussi contre ceux qui ont collaboré et sont toujours là.
Hélas, les temps changent, et ces valeurs partagées disparaissent.
Les politiques s’en mêlent et s’emmêlent, la justice est de plus en plus aux ordres du pouvoir, avec son corollaire de magistrats cherchant à acquérir plus d’indépendance et forcément proches de l’opposition.
Vergeat est un homme de valeurs qui ne cède rien et risque de le payer au prix fort, sa mise à pied ou l’obligation de fermer sa gueule s’il veut rester dans les rangs de la police.
Mais voilà, Vergeat n’en fait qu’à sa tête.
Il va même jusqu’à déclarer au juge Demesse, un jeune ambitieux instrumentalisé pour instruire à charge le dossier Vergeat :
« Il y a maintenant deux sortes de policiers ceux qui font de la politique et ceux qui n’en font pas. J’appartiens à la seconde catégorie (…) Les autres ne courent aucun danger (…) En douce ils préparent leurs dossiers sur les gens de la majorité. Ils n’ont pas le temps de chômer. Ils vous serviront cela tout chaud le jour où les vôtres arriveront au pouvoir. »
Le monde de Vergeat, celui dans lequel un policier se bat à la loyale contre les gangsters, sans dédaigner de tirer parti de la zone grise entre la loi et le milieu, disparait au profit d’un monde de juristes, d’avocats et de technocrates. Certains ont vite compris qu’il était préférable de faire de l’optimisation fiscale et du blanchiment d’argent légal plutôt que risquer sa peau à braquer des banques.
« Quand on est méchant, ce qui était son cas, la parfaite connaissance de la loi fait de vous un parfait bulldozer de la société. »
Jusqu’où Vergeat est-il capable d’aller pour mettre au point « (…) une machine qui va leur péter au fondement et les expédier à cinquante mètres en l’air. Je te jure qu’ils grimperont au mur. Ils ne s’en doutent pas. Salat est persuadé que je vais marcher dans ses combines d’étouffement. »
Faisons confiance à Vergeat qui, comme écrit Raf Vallet, « (…) se vengeait de tous ceux qui abîmaient l’image qu’il se faisait jadis de la société. le complexe du bon sheriff. »
Un roman qu’on lit avec plaisir et délectation. La force des phrases de Raf Vallet rend le film, malgré les performances des deux acteurs, un peu fade, plus politiquement correcte et démontre encore une fois s’il en était besoin que sans littérature le cinéma est peu de choses.
Avis personnel. Lisez Adieu Poulet, et faites-vous le DVD, mesurez la distance entre les mots et les images…

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