Pluie d’été…

04 avril 2020
Pluie de juin de Alexandru Sahia
Récit découvert grâce à mon amie Tandarica. 
Une peinture forte de la condition du paysan roumain avec des descriptions qui m’ont fait penser à celles des tableaux ruraux du XIXème français.
Mais, à la différence des glaneuses de Millet, des scènes fermières de Cazin ou des rivages de Bohème de Julien Dupré, dans lesquels les paysans ont une relative aisance et respirent un certain bonheur au contact de la nature, Petre Magaun et Ana, les personnages, sont écrasés par leur condition.
La pluie viendra-t-elle et si elle vient leur apportera-t-elle la fertilité des terres ?
La corvée et la blairie qui s’ajoutent à la charge de leur neuf enfants, leur laisseront-ils de quoi vivre ?
Le boeuf de Lisandru Lucea cessera-t-il de venir saccager leur semis ?
Peu sensible à la symphonie des champs, Petre et Ana subissent les événements.
L’écriture de d’Alexandre Sahia est précise et sans concession, noire, avec les personnages :
« Petre Magaun était grand et sec, avait un long cou comme une autruche. Une tresse de jonc lui serrait la taille. Il travaillait pieds nus, ses pantalons toujours retroussés jusqu’aux genoux dévoilaient l’absence de muscles durs sur sa jambe droite tranchée par un éclat d’obus pendant la guerre. C’est pourquoi elle ressemblait à une latte rongée par les scolytes, plus ou moins rigides »
« A ses côtés travaillait Ana, enceinte jusqu’aux yeux. Elle avait du mal à bouger et ressemblait à une oie grasse. Elle écartait les jambes et poussait de faibles gémissements. Elle était pieds nus, elle aussi. Elle avait une paluche large et crevassée et ses doigts s’écartaient sur les côtés, comme pour former un travouil. »
A l’opposé, sa description des éléments est grandiose voire poétique et contribue à l’effacement des personnages à leur renoncement et illustre leur misère :
« Du côté du marais se formait une pâte de nuage blanc, qui ressemblait davantage à une volute de fumée prête à s’éteindre. La sécheresse s’étendait, enveloppait comme une épidémie. »
« L’atmosphère était devenue étouffante. La terre avait pris des teintes violacées. On aurait dit un incendie sur la plaine du Baragan. »
« Un vent léger et chaud se mit à souffler du côté de la Russie. Il fit faire des galipettes aux rondeaux d’écumes de pissenlits et de chardons »
« D’abord impalpable comme l’haleine du vent, comme un nuage de fines gouttelettes la pluie, bientôt, tomba en rafales. Elle courait, échevelée, déchaînée, au-dessus du Baragan. »
Les éléments aussi se liguent contre Petre et Ana :
« Il avait plu, oui, mais son étroit lopin de terre n’en serait guère plus fertile. Pour ceux qui possédaient une centaine d’hectares et exploitaient leurs serviteurs, c’était bien autre chose. »

Une mention particulière pour Gabrielle Danoux la traductrice.

Je vais poursuivre cette découverte de la littérature roumaine contemporaine par le collectionneur de sons.

2 commentaires sur “Pluie d’été…

  1. Je dois avouer que ça me donne envie de le lire, ce livre. Merci. J’y suis allé en Roumanie quand j’étais jeune. Très beau pays.

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