Après des gens, une mort sans importance…

11 mars 2020
Une mort sans importance de Mariah Fredericks★★★★★★★★★★Un merveilleux moment de lecture ces retrouvailles avec Jane Prescott, la gouvernante des jeunes filles Benchley et Michael Behan le reporter du New York Herald.
Mariah Fredericks nous emmène une fois de plus dans ce New York du début du XXème siècle où ce qui constituera l’ossature de la société américaine se met doucement en place et génère ce qui, un siècle plus tard, alimentera les progrès et les décadences de nos sociétés européennes.
Jane Prescott est une observatrice inégalable, elle sonde les reins et les coeurs des hommes et des femmes qu’elle côtoie ; se montre une analyste hors pair des errements de cette soit disant « nouvelle société » qui s’est créée dans le « nouveau monde » pour fuir les blocages des vieilles sociétés européennes mais n’en fait que reproduire les schémas sociaux.
A preuve les relations complexes entre les Tyler (des gens établis – voir le précédent roman, « des gens sans importance ») et les Benchley, des parvenus fortunés : « du côté du clan Benchley, ces nouveaux riches, on pouvait espérer un splendide étalage de vulgarité. » analyse Jane.
Mariah Fredericks multiplie les références dans son roman, ce qui en fait plus qu’un simple polar. Certes il y a le meurtre que Jane se voit dans l’obligation d’élucider, mais il illustre la lutte pour le pouvoir dont le maintien du secret des familles est le principal moteur.
Dans cette société New Yorkaise de 1912, on se mobilise pour les familles des victimes du Titanic, mais on traite les migrants de fraiche date comme des pestiférés – les Italiens en l’occurrence – ; les femmes sont tout juste admises dans les restaurants « Une décennie plus tôt, on ne m’aurait pas laissée entrer au Keens Steakhouse » et la Mafia point le bout du nez avec La Main Noire, une organisation semant la terreurs parmi les migrants italiens « — En représailles et pour l’empêcher de parler. La Main noire est dure envers les mouchards. »
Côté amusements New York n’est pas en reste « Oscar Hammerstein avait été le premier à revendiquer ses droits, avec l’Olympia Music Hall. D’autres avaient suivi. Au-dessus de nous, des frontons annonçaient John Barrymore dans Anatol , une pièce à succès qui tenait depuis longtemps l’affiche, Oh ! Oh ! Delphine , et une fascinante nouvelle venue, Laurette Taylor, dans L’Oiseau de paradis .  » et la population trouve dans ces divertissements l’exutoire aux problèmes sociaux qui minent la société.
La marche des femmes pour le droit de vote doit se dérouler à New York dans quelques jours, et tout au long de l’enquête de Jane, on assiste à ses préparatifs.
Jane est une femme moderne en butte à ses détracteurs et en questionnement perpétuel. Son ami italienne Anna Ardito, engagée dans la lutte syndicale est là pour lui rappeler la duplicité de ses employeurs.
Un roman réaliste qui, bien qu’il prenne place au début du XXème siècle, nous rappelle que, malgré des changement, cosmétiques diraient certains, rien ne change vraiment dans les rapports économiques et sociaux entre les nantis et les autres, entre les détenteurs du pouvoir et ceux qui le subissent, entre les hommes et les femmes…
Un roman plein de la violence cachée des relations sociales, extrêmement documenté, intéressant à lire, amant le lecteur à s’identifier à Jane Prescott et à son regard sans illusion, d’un optimisme prudent, sur la société et les personnes qui l’entourent.
Admirable.
Merci à Mariah Fredericks.

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